Portrait: Léo Joubert

Léo Joubert est un jeune réalisateur originaire de Poitiers, il est à l'origine de nombreux clips de la scène rap Français, allant de Niska à Khali. Récemment on a pu le voir à la réalisation des derniers Affamés de Zamdane. Que ce soit à Poitiers avec Genesis ou avec la boîte de production Vanta avec qui il a l'habitude de travailler, sa patte artistique fait de lui un des jeunes réalisateurs les plus talentueux de ces dernières années. On le retrouve aujourd'hui pour son portrait.


Salut Léo, en quoi consiste ton métier de réalisateur ?

Le métier de réalisateur consiste pour moi à développer des mises en scènes filmées qui ont pour objectifs de raconter une histoire et de provoquer des émotions  chez le spectateur. Mon rôle est de conceptualiser à l’écrit tout le film et d’encadrer artistiquement toute l’équipe technique pour que les idées écrites soient réalisables. 


T'as suivi des études spécifiques pour faire ce métier ?

Pour ma part, je n’ai pas suivi d’études supérieures. Ayant déjà réalisé plusieurs clips et organisé plusieurs événements sur Poitiers à la sortie du lycée, j’ai pu rencontrer des personnes de YARD qui m’ont pris sous leur aile et avec qui j’ai commencé un stage de 6 mois. C'était eux mon école. Après ça je ne suis jamais vraiment parti, j’ai continué à travailler en tant que réalisateur et directeur artistique chez eux et j’ai développé mes projets personnels à côté de ça avec différents artistes. Au fil des projets, les gens m’ont fait de plus en plus confiance et j’ai commencé à travailler sur des projets de plus en plus importants.


Quels ont été tes premiers contacts avec ce milieu ? 

Mes premiers contacts avec ce milieu se sont fait assez jeune. Depuis petit je suis passionné de musique et de cinéma et j’ai toujours été curieux de qui réalisait chaque clip et qui se cachait derrière chaque projet. Je passais mon temps à manger des films ou des clips à la télé. À 15 ans j’ai rencontré Kaden, un artiste de Poitiers qui réalisait les clips de pleins d’artistes de la ville. Je lui ai fait part de mon envie de devenir réalisateur et c’est là que tout a commencé. 

Quelques jours plus tard, j'ai réalisé mon premier clip pour un de ses sons. Après ça, il m’a formé et j’ai enchaîné plusieurs clips pour des artistes de Poitiers. J’ai ensuite rencontré Faneva et tous les 3 on a monté Genesis, une association dans laquelle on essayait de faire plein de choses pour la culture à Poitiers : réalisation de clips, shooting photos, organisation et production de concerts et événements… Petit à petit on a été contacté par des artistes parisiens et on a commencé à se rendre régulièrement sur la capitale. 

Pour que ça soit rentable à l’époque, on s’arrangeait pour avoir 3 tournages en un week-end et les petits budgets qu’on avait nous payaient l’aller retour et la location de matos et on s’arrangeait pour trouver des endroits où dormir, chez des amis etc… J’ai ensuite rencontré une personne de chez YARD qui m’a permis de faire mon stage et de poursuivre à fond avec eux jusqu’à aujourd’hui encore sur certains projets.


Tu as eu un fort impact avec Genesis dans la scène rap à Poitiers, est-ce que ce sont des expériences qui t’ont poussé à aller chercher plus loin et à vouloir prendre en ampleur ? 

C’est clair qu’on a toujours voulu réaliser de nouveaux projets à Poitiers. Avec mes potes on avait les yeux tournés vers ce qui se faisait dans les autres villes et on voyait qu’il y avait une scène culturelle importante qui touchait notre génération et on était frustré de ne pas avoir ça chez nous. Même si on a commencé par la réalisation de clips sous le nom Genesis, on a très vite voulu avoir plus d’impact et réaliser des projets qui allaient faire bouger la ville et faire kiffer nos amis. C’est pour ça qu’on a commencé à organiser des événements et ramener les artistes du moment à Poitiers comme avec les concerts de Zola, 13 Block ou encore Take A Mic au Confort Moderne. Ça a eu un succès fou et c’était une expérience incroyable de pouvoir réaliser ça entre potes. 


Tu tiens toujours autant à agir pour la culture à Poitiers avec Genesis ?

Malheureusement il y a eu plusieurs facteurs comme le Covid et des événements personnels dans l’équipe qui ont fait qu’on n’a pas pu continuer après ça, mais aujourd’hui, on a toujours l’envie de réaliser des choses encore plus importantes dans la ville où on a grandi. On a plusieurs projets en tête qui pourraient arriver prochainement mais on attend de tous avoir le temps pour s’impliquer dessus à 100%.


Comment travailles-tu avec les artistes ? 

La plupart du temps, je suis en contact direct avec l’artiste. Il m’envoie le son et me donne quelques références et idées. Après ça on échange, je lui donne les directions artistiques et les références qui me viennent en tête. Je monte ensuite un dossier artistique qui comprend toutes les idées pour le clip (du synopsis au séquencier en passant par des briefs stylisme, décors, intentions de jeu etc…) et une fois terminé, on se voit avec l’artiste pour que je lui présente toutes mes idées. Si c’est validé, le projet part en pré-production avec une boite de production qui s’occupe de gérer le budget et de trouver tous les éléments pour que les idées du dossier se réalisent. Durant toute la préparation du tournage, je reste en contact avec l’artiste et je lui fait valider chaque élément (stylisme, décors, accessoires, figurants, découpage technique…) afin qu’il n’ait pas de mauvaises surprises le jour du tournage et qu’il puisse se projeter entièrement sur le résultat final. Aujourd’hui je travaille avec certains artistes sur toute la direction artistique de leur image et cela permet d’installer une vraie relation de confiance et d’évoluer avec eux. 


Quel a été le clip où t'as senti qu’il y avait un tournant dans l’ampleur que prenait ton travail ?

Le clip de Feeling pour Squidji a été un vrai tournant pour moi. C’est le premier projet où j’ai eu un budget qui m’a permis d’avoir du matériel plus professionnel, de m’entourer d’une équipe technique expérimentée et d’avoir un set sur lequel je pouvais contrôler la lumière, la déco etc… C’était vraiment le projet qui m’a professionnalisé. C’est la première fois que je passais du temps sur la prépa avec chaque membre de l’équipe pour voir exactement ce que je voulais comme lumière, cadre, mise en scène en fonction de chaque plan de mon découpage. Ce qui est cool c’est que Squidji est un pote avec qui j’avais déjà bossé et il m’a fait entièrement confiance sur ce projet.


C'est quoi le clip que t'as préféré produire ?

Le clip que j’ai préféré réalisé c’est Le Monde est à toi de Khali. Aujourd’hui, c’est rare d’avoir un temps de préparation conséquent sur un clip et là pour le coup, j’ai pu avoir entre 3 semaines et un mois pour me prendre la tête et faire mûrir mon synopsis. J’ai également pu échanger longuement avec toutes les personnes qui ont travaillé sur le projet afin de préparer tous les éléments au mieux. L’ambiance sur le tournage et toutes les personnes incroyables qui étaient impliquées sur ce projet font que ça restera pour moi un magnifique souvenir. En plus de ça, c’était la première expérience de Tayeb, le jeune homme de 14 ans avec la cagoule bleue, et grâce à ce projet il souhaite devenir acteur. C’est incroyable de pouvoir faire découvrir des passions à des jeunes de cet âge là.


Comment travailles-tu la direction artistique d’un clip ?

Les étapes de réalisation d’un clip sont l’écriture du synopsis, la création du dossier artistique avec tous les éléments, le découpage technique et le storyboard dans lesquels je détaille plan par plan la mise en scène. Une fois que tout est validé, il y a l’étape de pré-production avec la recherche de tous les éléments pour le clip, les repérages des décors, les essayages des tenues, les rendez vous créatifs avec les équipes techniques puis ensuite le tournage qui se fait généralement entre 1 et 3 jours. À la fin, il y a toute la post-production avec le montage, les FX et l’étalonnage. 


Est-ce que c'est compliqué pour toi de te renouveler à chaque réalisations ? 

En effet, c’est dur de ne pas refaire les mêmes choses qui ont fonctionné sur des projets précédents. C’est important de se renouveler et pour ça il faut choisir les projets les plus inspirants et les plus créatifs sur lesquels tu peux être libre de proposer des idées innovantes. En plus de ça, il ne faut jamais arrêter d’être curieux et d’aller se nourrir de plein de choses que ce soit au cinéma, dans des expos, en se baladant dans la rue ou même en voyageant. Personnellement, je m’inspire beaucoup de ce que je vis et de ce que je vois ou de ce que mes amis vivent autour de moi et c’est vraiment important pour ma créativité de sortir, de voir du monde et même des fois de me balader seul et observer tout ce qui se passe autour de moi. C’est Kusturica, un réalisateur que j’aime énormément, qui disait qu’à travers la réalisation on peut faire de la rue dans laquelle on vit, le centre du monde. Dans ce cas, le cinéma est plus beau que la vie et c’est ça qui est magique.


T'as une équipe avec qui tu travailles tout le temps ou tu rencontres et travaille avec de nouvelles personnes à chaque fois ?

Aujourd’hui, je ne travaille pas toujours avec la même équipe mais j’ai des personnes proches avec qui j’ai créé de vraies relations et avec qui je collabore régulièrement. Ce qui reste incroyable avec ce métier c’est que je rencontre des nouvelles personnes sur chaque projet. C’est hyper enrichissant car on échange tous sur nos expériences précédentes et on partage nos différentes anecdotes de tournage.


C’est un métier qui t'amène à pas mal voyager j’imagine, quel est le lieu qui t’inspire le plus ? 

Je n’ai pas vraiment de lieu précis qui m’inspire tout particulièrement. Chaque projet est un voyage différent qui nous plonge dans un univers. Le principal pour moi est de dégager de la poésie dans les différents lieux dans lesquels je tourne, même ceux qui paraissent banals pour la plupart des gens à force de laisser la routine s’installer.


Comment vois-tu ton futur professionnel ?

Par la suite, je vais continuer à développer mon univers à travers des projets perso en photo et en réalisation et pouvoir m’orienter de plus en plus vers la fiction tout en continuant à développer l’image des artistes avec qui je travaille.


Pour finir, si t'avais un conseil à donner à quelqu'un que le métier de réalisateur intéresse ?

Le meilleur conseil que j’ai à donner à quelqu’un qui voudrait commencer à réaliser des clips c’est de s’entourer de personnes qui lui font confiance, des amis ou artistes qui lui laisseront une liberté artistique et qui le laisseront s’exprimer sur leur projet. Et je le répète encore, mais c’est très important aussi d’être curieux et de regarder beaucoup de films et de sortir de chez soi.


Khali - Le monde est à toi

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Pierre Guignard le 05/04/2023 
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